Femmes sans-abri en France : précarité, violences et invisibilisation

La plupart du temps, quand on pense à la figure d’une personne sans domicile fixe, on a l’image d’un homme, blanc, un peu âgé, etc. En réalité, c’est aussi le profil qu’on croise le plus souvent dans la rue ou du moins, celui auquel on fait le plus attention. Cap sur le profil des femmes SDF.

Femmes SDF : au-delà des stéréotypes de l’homme SDF

Bien loin de l’image d’Epinal qui associe les personnes sans-abri à un homme, un peu âgé, barbu sur un bout de carton, il y a aussi parmi les personnes SDF :

  1. La moitié qui sont des personnes nées à l’étranger
  2. Deux personnes sur cinq qui sont des femmes

Les femmes sans-abri sont donc nombreuses mais alors pourquoi ne les voit-on pas ?

Comment le genre influence les trajectoires de vie des personnes SDF ?

Tout d’abord faisons un petit point sur la notion de genre afin de mieux comprendre pourquoi les trajectoires des hommes et des femmes SDF sont différentes.

En écrivant On ne naît pas femme, on le devient.Simone de Beauvoir a mis en évidence la différence entre le sexe et le genre.

Le sexe est un ensemble d’attributs biologiques souvent catégorisés de manière binaire entre féminins et masculins.

Le genre quant à lui est une construction sociale liée à cette catégorisation de sexe.

La catégorie femmes et la catégorie hommes seraient alors :

  1. Différentes
  2. Complémentaires
  3. Hiérarchisées

Hommes et femmes : des rôles sociaux même à la rue

On a d’un côté la femme douce, la mère qui doit s’occuper des enfants et rester à la maison, dans l’espace privé, et de l’autre l’homme fort, le père qui fait figure d’autorité et subvient aux besoin de la famille en allant travailler, dans l’espace public.

Depuis quelques années, les lignes de ce schéma bougent de plus en plus et les situations aussi contrastées se font de plus en plus rares. On note toutefois que l’accès à l’espace public reste plus difficile pour les femmes qui en ont longtemps été écartées. Que ce soit dans les médias, en politique ou dans la rue, le constat est le même : on les voit moins.

Maintenant que vous maîtrisez la notion de genre, je vous invite à chausser vos lunettes du genre pour faire un tour d’horizon de la situation des femmes dans la rue.

Les femmes SDF : entre violence, errance et invisibilité

Les femmes à la rue : des violences fréquentes

Tout d’abord, il est plus fréquent que les femmes sans domicile fixe aient vécu des violences dans leur enfance.

Ainsi, les violences subies par les femmes à cause de leur genre sont un facteur d’entrée à la rue.

De plus, d’après tous les témoignages que nous pouvons recueillir auprès des concernées directement mais aussi des personnes qui travaillent dans des structures d’accueil, il semblerait que toutes les femmes sans domicile fixe subissent des violences pendant leur expérience à la rue.

On parle souvent de proies, terme utilisé par exemple par Myriam du Comité De La Rue Rennais. Elle nous explique qu’une femme à la rue est sans cesse à risque de se faire agresser. Il est courant que des hommes leur proposent un toit pour la nuit mais qu’elles se rendent compte une fois chez eux que ce n’est pas gratuit et que leur corps sert de monnaie.

Le genre femme est alors un facteur de vulnérabilité pour les personnes qui sont à la rue.

La sécurité des femmes SDF : comment survivent les femmes à la rue ?

La hiérarchie des genres rend donc les femmes à la rue plus vulnérables que les hommes. Leur protection institutionnelle et personnelle les rend invisibles.

  • Elles se protègent en cachant leur corps dans des vêtements trop larges et en couvrant leur visage.
  • Les femmes sans domicile sont beaucoup plus en errance, c’est-à-dire qu’au lieu de rester toujours au même endroit, comme le font beaucoup d’hommes de la rue, elles changent de quartiers mais aussi de villes afin de ne pas être repérées.
  • Les institutions les protègent en faisant d’elles les prioritaires dans certains centres d’hébergement. La prise en charge des femmes est aussi plus efficace parce que ce sont elles qui sont en charge des enfants.
    • 52% des femmes sans domicile fixe ont des enfants
    • 9% des hommes sans domicile fixe ont des enfants

Parmi ces personnes :

Les associations attribuent les hébergements les plus confortables aux personnes avec enfants, hommes ou femmes. Le rôle de parent étant associé aux femmes, le genre est aussi ici un facteur de protection. De ce fait, très peu de femmes sont sans-abri, c’est-à-dire n’ont aucune solution d’hébergement.

Femmes précaires : entre emplois instables et isolement social

L'emploi chez les femmes en précarité : une pauvreté malgré le travail

Les femmes se trouvent aussi dans une situation délicate au regard de leur employabilité. Saviez-vous qu’elles représentent 70 % des travailleurs pauvres qui exercent un emploi procurant un revenu inférieur à 964 € mensuels ? Et qu’elles constituent 82% des emplois à temps partiel ?

Comment expliquer ces écarts ? Par leur situation personnelle dans bien des cas. Elles sont sur-représentées dans les familles monoparentales, puisque, dans neuf cas sur dix, ce sont des femmes seules avec enfants.

Avec des enfants à charge leur temps disponible pour travailler est réduit tandis que leurs dépenses sont plus importantes. Prises entre la nécessité d’avoir un revenu et l’éducation de leurs enfants, elles n’ont pas le choix d’opter pour des emplois à temps partiel, souvent précaires.

Femmes précaires : un niveau de diplôme et de qualification plus faible

Pour cette même raison, elles sont souvent moins diplômées et qualifiées que les hommes. Elles rejoignent des secteurs d’activité où la rémunération est peu élevée comme le service à la personne ou la grande distribution.

Mais ce n’est pas tout ! Leur comportement, fruit d’une intériorisation de certaines normes sociales, explique aussi cet écart d’employabilité.

Selon une étude de 2015, les femmes ont un rapport complexe au réseau, pourtant essentiel dans une recherche d'emploi. Elles n'osent pas l'activer, par peur d'être jugée utilitariste. Elles privilégient la qualité de leur travail, plutôt que leur capacité à établir des connexions.

L'importance du réseau professionnel pour sortir de la précarité et de l’isolement social

Or un réseau, c'est du soutien, de la mobilisation, de l'inspiration, des opportunités. Ce sont des personnes sur qui l'on peut compter pour relire son CV, être recommandé ou conseillé dans ses recherches, se préparer à un entretien, célébrer ses victoires, s'inspirer, partager ses doutes.

Les femmes en grande précarité ou en situation d'exclusion ont tout particulièrement besoin de ce réseau de soutien pour reprendre confiance face à l'emploi, dans leur recherche jusqu'à leur épanouissement en entreprise.

Changer de regard : des solutions pour soutenir les femmes en précarité

Entourage Pro ainsi que d’autres acteurs de l'écosystème œuvrent pour contribuer à un changement de regard au sein des entreprises. Nous accompagnons des managers, RH, collaborateurs à percevoir la richesse de chacun…et de chacune !

Petit à petit, j'ai appris à avoir confiance et à me dire que je pouvais y arriver. Et j'y suis arrivée ! Depuis juin 2022, j'ai un job, je peux inviter des amis au restaurant, je peux aller au cinéma. Et je suis fière de moi”, Ange, ancienne candidate Entourage Pro qui travaille aujourd’hui au Centre Social Cefia en tant que secrétaire chargée d’accueil.

Pour aller plus loin

Ainsi, le genre a une grande influence sur la mise à la rue mais aussi sur l’expérience de la rue. Tantôt facteur de vulnérabilité, tantôt facteur de protection, il est difficile d’analyser la situation des femmes sans domicile sans les lunettes du genre.

Si les femmes sont moins nombreuses parmi les personnes sans domicile fixe et surtout les personnes sans-abri, elles forment toutefois le groupe de population le plus précaire.

Cette situation s’explique par plusieurs facteurs que nous vous invitons à découvrir dans notre atelier de sensibilisation (1h30) à propos des femmes en situation de précarité à laquelle vous pouvez vous inscrire ici.

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