Les préjugés ont la peau dure. Chez Entourage on pense qu’aller vers l’autre est la meilleure solution pour les déconstruire. Voici quelques chiffres pour commencer le processus du changement de regard sur les personnes SDF.Tous les chiffres de cet article sont issus de l'étude "Les sans-domicile et l’emploi" de l'INSEE réalisée en 2012.

Les personnes SDF et l'emploi : face à des idées reçues

“Moi je donne pas au sans-abris, ce sont des fainéants.” Voilà ce que me chuchote une copine un soir dans le train. Ce constat me laisse bouche bée et me fait comprendre à quel point les gens connaissent mal la réalité de la rue. Faisons un petit point.

Un quart des personnes sans-abri ont un emploi

Tout d'abord sachez qu’en réalité un quart des personnes SDF ont un emploi. Aujourd’hui l’emploi ne protège plus de la précarité. D'après l'étude menée par l’INSEE, en France 24% des adultes sans-abris sont des actifs occupés.

Des emplois précaires qui n’assurent pas la sortie de la rue

Ils occupent majoritairement des emplois précaires qui offrent de faibles rémunérations et peu de protections. Ces emplois ne peuvent leur assurer la sortie de la rue.

En effet, 22 % déclarent ne pas avoir de contrat de travail et 15 % sont intérimaires, stagiaires ou saisonniers.

De plus, tous statuts confondus, la moitié des postes sont à temps partiel et la majorité d’entre eux sont des postes d'ouvriers ou d’employés, qui demandent peu de qualifications et offrent une faible rémunération. 

Un désir de travailler existe malgré les obstacles

39 % des personnes sans-abri sont au chômage mais veulent travailler

En effet, 39% sont au chômage, mais un chômage subi. Effectivement, beaucoup de personnes SDF cherchent à trouver un emploi. Par exemple, 43% des personnes SDF au chômage cherchent un emploi depuis plus de deux ans, le double de la population générale (20%).

Des freins multiples à l’embauche : hygiène, transport, logement, etc.

Malgré l’envie et l’aide des associations et des travailleurs sociaux, les personnes sans domicile rencontrent de nombreux obstacles dans leurs recherches d’emploi.

‍Les personnes SDF sont confrontées au transport (coût, accessibilité, etc.), aux frais liés aux recherches d’emploi (correspondance, téléphone, Internet, magazines spécialisés, etc) et à la présentation face à l’employeur (hygiène, manque de vêtements convenables, les bagages, etc).

De plus la stabilité de la situation d’hébergement influe sur la possibilité de trouver un emploi. Un tiers de ceux qui occupent un logement fourni par une association travaillent, contre 13 % parmi les personnes qui résident dans un centre d’hébergement qu’il faut quitter dans la journée, ou qui vivent dans la rue.

Le fait de ne pas avoir de stabilité mais aussi de domiciliation, c'est-à-dire d'adresse, pour recevoir des courriers est un grand frein dans la recherche d’emploi des sans domicile.

Une mauvaise maîtrise de la langue, des difficultés pour lire ou écrire, le manque de formation ou d’expérience professionnelle ou encore l’absence de permis de conduire, peuvent aussi les limiter dans leurs recherches d’emploi.

Et enfin, presque la moitié des sans abris n’ont pas de diplômes ou seulement le brevet des collèges, seul 10% ont un diplôme supérieur au baccalauréat. Alors non, les diplômes ne protègent pas de la précarité, mais ne pas en avoir accentue les difficultés à s'insérer sur le marché du travail.

Pourquoi certaines personnes ne travaillent pas ?

37 % des personnes sans-domicile ne travaillent pas

Parlons des chiffres qui fâchent : 37% des personnes sans domicile sont des inactifs.

Parmi eux, ce sont des personnes qui ne PEUVENT pas travailler : des retraités, des demandeurs d’asile, des sans-papiers, des invalides, des personnes élevant des enfants, etc. Mais on y trouve aussi des gens qui ne “veulent” pas travailler

La rue, un monde à part, parfois trop dur à quitter

Expliquons nous. 

Certains individus sont à la rue depuis tellement longtemps, qu'ils sont totalement exclus de la société, traumatisés et isolés socialement. Ces personnes là ne cherchent plus à retrouver un toit.

Anne-Claire, de notre Comité de la rue, nous raconte l’histoire de son ex-mari qui est encore à la rue aujourd’hui.

“Il ne veut pas sortir de la rue, il a peur de rejoindre la société, il ne veut pas être confronté aux règles”.

Cette catégorie de personnes qui ne veut pas sortir de la rue existerait alors bel et bien. Bien sûr nous n'avons réussi à trouver des chiffres sur eux nulle part mais notre Comité de la rue explique à l'unanimité qu’il y a des individus sans-abri qui ne font rien pour s’en sortir et qui n’y tiennent pas.

Ce sont des individus tellement exclus qu’ils n’imaginent pas revenir à une vie cadrée par des normes et des codes avec lesquels ils ne sont plus familiers.

Cela dit, ce cas ne concerne pas la majorité des sans-abris inactifs d’après nos sources.

En finir avec les préjugés sur les SDF et le travail

La spirale de l’exclusion et de la précarité

Il y a des associations qui aident, des bagageries, des boîtes aux lettres sont mises à disposition, des douches mobiles, etc.

Mais il y a souvent des problèmes de place et de qualité. Plus on reste sans emploi, plus il est difficile de réintégrer le marché du travail. On s’enlise dans un chômage de longue durée, on a un CV vide, cela affecte notre employabilité et on se fait encore moins embaucher. C’est un véritable cercle vicieux.

‍La vie dans la rue est compliquée et en sortir est beaucoup plus dur que l’on peut le penser. Certains sont exclus depuis si longtemps qu’ils finissent par cesser d’essayer d’intégrer cette société qui n’a pas su l’accueillir. Sans oublier que 23 % des SDF sont des anciens enfants de la DASS, 30 % ont connu des difficultés économiques avant 18 ans, 31,5 % souffrent d’un trouble psychique sévère (et ne sont pas pris en compte là-dedans les migrants qui ont fui la guerre ou la misère de leur pays.

Vers une société plus inclusive : comment agir concrètement

Ce qui est sûr c’est que chez Entourage on a fait le choix de ne pas juger les personnes dans la rue. On ne fait pas de distinction dans notre lutte contre l’exclusion. On espère avoir changé votre regard avec ces chiffres.

À l’avenir on vous encourage vivement à lutter contre l’exclusion, la marginalisation de cette population, en allant à leur rencontre. Apprenez à les connaître, de belles rencontres vous attendent.

Pour continuer à déconstruire vos préjugés, vous pouvez venir vous former sur le monde de la rue lors de nos sensibilisations. 

Besoin d’un coup de pouce pour aller à la rencontre de l’autre ? Notre guide est ici.

Si vous voulez franchir le pas et organiser des actions de solidarité à votre échelle, vous pouvez rejoindre le réseau vraiment social d'Entourage grâce à notre application qui permet d'aller à la rencontre des personnes à la rue, en situation de grande précarité et d'isolement social. 

Et enfin, si vous voulez accompagner des personnes vers le retour à l'emploi et offrir un tremplin à celles et ceux qui veulent retrouver leur place dans la société, vous pouvez devenir coach Entourage en rejoignant notre programme Entourage Pro.

Et parce qu’on n'a pas tiré ces chiffres de notre chapeau :

• INSEE, étude réalisée par YAOUANCQ. Françoise, et DUÉE. Michel, Les sans-domicile en 2012: une grande diversité de situations, France, Portrait social , 2014
• INSEE, étude réalisée YAOUANCQ. Françoise, et DUÉE. Michel, Les sans-domicile et l’emploi., Des emplois aussi fragiles que leurs conditions de vie, Insee Première, n°1494, avril 2014
• ATD Quart Monde, HÉDON. Claire, SARROT. Jean-Christophe, ZIMMER. Marie-France, En finir avec les idées fausses sur la pauvreté, 2016