La pauvreté est à l’origine de plusieurs violences et elle est multidimensionnelle: de la privation matérielle et privation des droits jusqu’à la dégradation de la santé physique et mentale.
Mais la pauvreté revêt aussi des dimensions plus insidieuses, parmi elles, les violences sociales et institutionnelles.
Nous les appellerons les dimensions cachées de la pauvreté, selon les termes de l’OCDE. Cachées parce qu’elles sont invisibles et ne font pas partie des effets de la pauvreté auxquels nous pensons en premier. Cachées car elles commencent tout juste à être étudiées dans des instances comme l’OCDE et prises en compte par les politiques publiques.
Qu’il s’agisse de santé physique, de détresse psychologique ou d’isolement social, les dimensions cachées e la pauvreté sont nombreuses.
Nous nous attacherons donc à savoir quels sont les effets invisibles de la pauvreté, quelles en sont les causes et nous chercherons des pistes pour savoir comment agir à son échelle pour aider les personnes en situation de grande précarité à sortir de l’isolement social.
Violence sociale et institutionnelle : des réalités méconnues de la grande précarité
Les personnes en situation de grande précarité voire de pauvreté sont victimes de violence sociale et institutionnelle. Des violences qui peuvent paraître futiles mais qui sont à l’origine d’un réel mal-être et qui participent à isoler socialement.
La maltraitance sociale : comment les préjugés aggravent l’isolement social des personnes précaires
La maltraitance sociale c’est la manière dont les personnes qui ne sont pas en situation de pauvreté regardent et traitent les personnes qui le sont.
Ce regard est conditionné par la société et se traduit par une stigmatisation, des préjugés, des discriminations auxquels font face les personnes en grande précarité – accusées de se complaire ou de profiter de la situation, de ne pas vouloir travailler.
Cette violence revêt une dimension intersectionnelle puisque les discriminations liées à la pauvreté s’ajoutent à celles liées au genre, à l’orientation sexuelle, à l’origine sociale ou encore au groupe ethnique auquel on appartient.
C’est du même coup, la manière dont on isole et dépossède les personnes en grande précarité de leur pouvoir d’agir. C’est une manière de déshumaniser les personnes en grande précarité, ce qui les inscrit dans un cercle vicieux d’invisibilité et d’isolement social.
La violence sociale mène souvent à la maltraitance institutionnelle.
La maltraitance institutionnelle : une définition
La maltraitance institutionnelle c’est la position dans laquelle sont mises les personnes en grande précarité face aux institutions.
Selon le Rapport sur les dimensions cachées de la pauvreté en France de l'OCDE et d’ATD Quart Monde, la maltraitance institutionnelle c’est comment “l’Etat et les institutions regardent, jugent et traitent les pauvres”. Il ajoute que dans cette dimension, “la dépendance est très présente dans des relations de domination, d’obligation, de contrôle voire de soumission”.
“Comment l’Etat et les institutions regardent, jugent et traitent les pauvres. […] La dépendance est très présente dans des relations de domination, d’obligation, de contrôle voire de soumission”.
Quand les politiques publiques et les démarches administratives impactent l’accès aux droits sociaux
Par des politiques publiques qui renforcent les conditions et les règles toujours plus strictes pour accéder à leurs droits – comme le conditionnement du RSA à 15h de travail, les personnes en situation de grande précarité sont mises dans une situation de demandeurs et sont toujours jugées a priori, du fait des stéréotypes évoqués plus tôt.
Ces violences passent aussi par un accès difficile aux droits sociaux, par la complexité et la lenteur des démarches administratives ou encore le manque d’informations qui peuvent placer les personnes en grande précarité dans une situation encore plus complexe. Très vite, demander ses droits – pourtant vitaux – peut devenir un parcours du combattant.
Comment les violences sociales et institutionnelles se renforcent mutuellement ?
Maltraitance sociale et maltraitance institutionnelle sont également imbriquées et se nourrissent l’une de l’autre. Cette dynamique néfaste alimente les inégalités et l’injustice sociale.
Elles sont à l’origine d’une vraie déshumanisation qui tend à rendre les personnes en grande précarité “autres” et inférieures dans une processus de différenciation, créant une frontière qui va établir, maintenir et justifier une barrière sociale et l’écart social.
Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde dit d’ailleurs que ”le plus grand malheur est de voir qu’on ne compte pas”.
Lutter contre l’isolement social : quelles solutions face aux violences de la pauvreté ?
Une fois ce constat fait, des solutions existent pour lutter contre ces violences au sein de nos sociétés.
Si des initiatives politiques devraient se mettre en place – comme l’insertion de la prise en compte des violences sociales et institutionnelles au sein de chaque ministère, d’autres solutions sont aussi envisageables à notre échelle.
Déconstruire les préjugés pour lutter contre l’isolement social

Construire une société plus inclusive, qui lutte contre l’isolement social, ça passe par la déconstruction de ces stéréotypes et préjugés, et la prise en compte de ces violences pernicieuses.
Chez Entourage, nous veillons à ce que cela soit le cas. Les moments de convivialité permettent de lever les préjugés et de briser l’altérité.
Selon notre mesure d’impact 2024, 97% des personnes affirment que leur regard a changé après une action Entourage et 94% disent être plus attentifs aux autres.
Aller vers l’autre c’est déjà briser la chaîne de l’isolement social et des violences l’accompagnant. Créer du lien social est le nerf de la guerre face aux préjugés et à l’isolement social.
Notre action passe aussi par la sensibilisation aux questions d’isolement social (toujours pour déconstruire les préjugés) auprès de publics variés – élèves, entreprises, métiers du soin, etc.
Réinventer une nouvelle forme de gouvernance : inclure les personnes précaires
Pour pouvoir combattre les violences sociales et institutionnelles envers les personnes en grande précarité, il est important de réinventer une nouvelle forme de gouvernance. Il faut faire avec les personnes concernées et non pour.
Pour cela, il est nécessaire d’inclure les personnes en grande précarité dans les débats et les instances de prises de décisions car leurs vécus et leurs expériences sont des savoirs précieux pour nos sociétés.
Le tout est de reconnaître la capacité d’agir et de reconnaître les compétences acquises des personnes en situation de grande précarité.
Par exemple, le Rapport sur les dimensions cachées de la pauvreté évoquent ces compétences qui pourraient profiter à toute la société comme la débrouillardise ou l'ingéniosité.
Le Comité de la Rue d’Entourage : une gouvernance innovante au sein de notre association
Chez Entourage, nous avons aussi un système de gouvernance partagée. Le Comité de la rue – composé de personnes ayant une expérience significative de l’isolement social et de la précarité, initie, co-construit et valide tous les projets structurants de l’association.
Cette gouvernance permet de prendre des décisions éclairées, impactantes et utiles en laissant la voix à ceux qui ont des choses à nous apprendre mais que nous n’écoutons pas. C’est faire au plus proche des personnes concernées et apprendre les uns des autres. C’est transformer un cercle vicieux en cercle vertueux.